29 juin 2008

Dans quel État j'erre

La semaine dernière, jour après jour, nous avons vu les soupçons pesant sur les inculpés du " Secours Rouge " s'effondrer les uns après les autres :

  • Les soi-disant explosifs se sont révélés n'être que d'inoffensifs pétards de feu d'artifice. (1)
  • Hormans, le truand est rangé des voitures depuis des années, le Parquet, d'ailleurs, ne semble pas lui reprocher d'activités en rapport avec le grand banditisme ou quelques autres affaires criminelles que ce soit.
  • Sassoye, l'ancien terroriste, a un métier régulier et de plus, il est suivi régulièrement par la justice, qui n'a rien trouvé à lui reprocher depuis sa sortie de prison.
  • Les autres inculpés Fayoumi et Abdallah, malgré leurs noms à consonance arabisante (ce qui, pour certains, suffirait amplement comme preuve de culpabilité), sont inconnus de la justice.
  • Le cryptage de mails, que l'on reproche à Bertrand Sassoye, est un procédé légal en Belgique pour protéger ses données personnelles. C'est même, une pratique recommandée pour les courriers électroniques entre les avocats et leurs clients.
  • Les écoutes téléphoniques qui devaient nous démontrer la collusion entre les inculpés en Belgique et les inculpés en Italie n'ont jamais existé selon les milieux judiciaires italiens, selon l'enquête du journaliste Hugues Le Paige. (2)



Enfin, en ce qui concerne les photos retrouvées lors de l'enquête sur le PCPM (Partito Communista Politico Militare) en Italie, on ne peut que spéculer, lancer des hypothèses, imaginer des usages illicites.
Malheureusement pour le Parquet, la spéculation, les hypothèses et l'imagination ne sont pas encore considérées comme des preuves pour la justice en Belgique... Même si Marc Metdepenningen, dans le quotidien "Le Soir" donne à ces photos retrouvées, sous un champ de salades en Italie, une interprétation plus délétère - voir " Le graphologue accuse Sassoye "

Il apparaît clairement, semble-t-il, que l'enquête menée par les autorités belges ne se fait qu'à charge. Maintenant que la machine est lancée, la police a besoin de justifier ses écoutes téléphoniques, ses perquisitions et ses multiples intrusions dans la vie privée de ces militants, aujourd'hui, inculpés. Ainsi selon Wahoub Fayoumi : "Même si on ne sait pas, ce qu'on attend de nous, c'est que nous donnions des hypothèses, qui peuvent confirmer leur idée de départ pour construire un argumentaire contre nous, contre l'un de nous, ou contre d'autres personnes." (3). Ceci confirme bien que les enquêteurs, ne disposant pas de preuves, cherche à ce que les inculpés s'incriminent eux même.


C'est en persévérant dans cette logique que les pouvoirs publics ont fait appel de la décision de la Chambre du Conseil qui avait jugé que le maintien en détention des inculpés était inutile, sauf pour Bertrand Sassoye. Cet appel prolonge ainsi inutilement le séjour en prison de ces personnes. Mais ce jeudi 26 juin 2008, la Chambre des Mises a confirmé la décision de la Chambre du Conseil en ordonnant la libération immédiate de trois des quatre inculpés sous condition qu'il n'y aie aucun contact entre eux durant trois mois. Bertrand Sassoye devra, lui, rester, encore au moins un mois en détention, le Parquet prétextant qu'il est un danger pour la société. Le dossier n'est donc pas clos...

Mais pourquoi un tel acharnement ?

Si l'on doit se baser sur ce qui est disponible dans la presse, il n'y a aucun élément objectif incriminant les quatre militants du " Secours Rouge ". Dans ce contexte, l'attitude du Parquet apparaît de plus en plus comme un acharnement politique et judiciaire à l'encontre d'une simple association d'entraide aux prisonniers politiques.

Mais l'attitude du Parquet pourrait être aussi à rechercher du côté d'une fierté mal placée qui empêcherait le Parquet de reconnaître qu'il a fait une magistrale boulette avec cette affaire, que l'épouvantail du terrorisme international a été inutilement agité, que l'arsenal clinquant des nouvelles lois antiterroristes n'a servi qu'à réprimer de simples militants pacifiques.

Une autre hypothèse que nous pourrions faire c'est qu'en Belgique, comme en France et ailleurs en Europe se multiplient, ces dernier temps, les manifestations de plus en plus dures pour réclamer des interventions de l'État afin d'augmenter le pouvoir d'achat. Dans ce contexte, l'État pourrait avoir un intérêt à montrer sa sévérité dans le but d'intimider les mouvements sociaux actuels.

Enfin, il faut aussi constater que cette pseudo-affaire de terrorisme en Belgique fait couler beaucoup d'encre dans la presse. Le Parquet ferait-il alors du " storytelling " autour des lois antiterroristes pour en justifier l'existence ou, peut-être, pour détourner les journalistes d'autres affaires ?

À moins bien sûr que les avocats de la défense ne disposent pas de tous les éléments à charge. Mais dans ce cas de figure, il faudrait admettre qu'il existe en Belgique une procédure particulière avec sa section spéciale et son tribunal d'exception, des termes de sinistre mémoire qu'il ne faut pas simplement dénoncer, mais aussi combattre. Parce qu'un État de droit ne peut pas tolérer ce genre de pratique en son sein.

Article et photos: Pierre Capoue - juin 2008
Voir aussi : LeGrandSoir.info


L'actualité de la loi anti-terroriste en Belgique
(Voir : http://liege.indymedia.org/archives/...)

Trois citoyens militants altermondialistes et un technicien de la RTBF poursuivent l'Etat Belge pour mise sur écoute illégalement (voir : http://missurecoute.be/article6.html ). Ces derniers avaient été poursuivi pour association de malfaiteurs en 2001. Ces accusations graves, puisqu'ils risquaient de 3 à 9 ans de prison, furent finalement abandonnées en février 2007. La dernière audience en date s'est déroulé ce mardi 24 juin 2008.
http://missurecoute.be/article9.html
http://liege.indymedia.org/news/2007/02/14723.php

Quatre membres du collectif "Chômeurs, pas chiens" sont poursuivis après l'occupation d'un bureau de l'ONEM à liège en 1999. Ceux-ci ont finalement acquitté ce lundi 27 juin 2008, de toutes les préventions qui pesaient sur ceux après une procédure particulièrement longue, puisqu'elle a duré 9 ans.
http://liege.indymedia.org/news/2008/06/20712.php
http://liege.indymedia.org/archives/...

Par ailleurs, nous ne devons pas non plus oublier qu'une nouvelle audience concernant l'affaire "Bahar Kimyongur/ DHKP-C" s'est tenue, aussi, ce mardi 24 juin. La Cours de Cassation y a décidé de rouvrir le procès à l'encontre des militants acquittés en février par la Cours d'Appel d'Anvers. La cours a entre autre souligné que " Pour condamner quelqu'un comme leader d'un groupe terroriste, il n'est pas nécessaire qu'on l'on commette directement ou indirectement des attentats " (voir : http://www.lalibre.be/actu/belgique/article/430007/...

On pourrait alors s'étonner de cette concomitance d'agenda et se demander si le Parquet ne cherche pas aussi à intimider les gens qui s'intéressent à ces différentes affaires.



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(1) Sassoye et ses feux d'artifices :
La vidéo
l'article

(2) Les écoutes téléphoniques : http://blogs.politique.eu.org/hugueslepaige...

(3) Julien Bosseler ; la journaliste incarcérée et son compagnon témoignent ; " Telemoustique " n°4300 ; pages : 28-29 ; Bruxelles; 25 juin 2008.

Les tribunaux d'exception :
http://www.vrid-memorial.com/Les-Tribunaux-d-Exception.html
http://fr.wikipedia.org/wiki/Sections_spéciales...
http://www.fondationresistance.com/pages/rech_doc/cr_lecture-36.htm

Plainte d'" Amnesty International " contre la loi antiterroriste en Belgique
http://www.amnestyinternational.be/doc/article.php3?id_article=6586
Selon la plainte déposée par Amnesty auprès de la cours d'arbitrage : " Les avocats de la défense n'auraient accès qu'à des dossiers incomplets. En ne reconnaissant pas le droit des prévenus à un procès équitable, le projet de loi déposé par la ministre Onkelinx violerait la Convention européenne des Droits de l'Homme ; "
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